Ah, FEZ. Quel jeu. Quelle baffe. Ce jeu m’a mis une claque phénoménale, à quasiment tous les niveaux, excepté sur la partie narrative, mais je développerai dans la suite de cette critique. Pour vous placer le contexte, car l’appréciation d’un jeu dépend forcement du contexte, j’avais déjà longuement entendu parler de FEZ avant d’y jouer. Je savais que ce jeu était loué par la critique, ainsi que par les joueurs, mais j’avais aussi entendu parler de Phil Fish, son créateur, comme un homme égocentrique et arrogant, insulté sur tous les sites possibles et imaginables.

Et puis j’ai acheté et regardé Indie Game: The movie, un excellent film sur la création indépendante, centrée autour de quatre créateurs, Edmund McMillen et Tommy , de la Team Meat (Super Meat Boy, The Binding of Isaac et bientôt Mew Genics), Jonathan Blow (Braid, The Witness) et enfin Phil Fish, le créateur de FEZ. Ce film fait une chose assez rare, ou en tout cas trop rare, il incite sur l’aspect humain de la création videoludique. Il montre les réactions de ces développeurs au public, leur doutes, leur cheminements, le nombre d’heures colossales passées à peaufiner des détails par passion, par perfectionnisme.

Alors, qu’est ce que FEZ? FEZ, c’est un phénomène du jeu indépendant, un jeu qui à gagné l’IGF alors qu’il n’était qu’a l’état de démo, qui à été repoussé nombre de fois, qui a mis 5 ans à sortir. 5 ans pour un chef d’oeuvre, le meilleur jeu auquel j’ai joué à ce jour. Vous êtes au contrôle de Gomez, un petit personnage dont on ne peux pas vraiment qualifier l’apparence, vous jugerez par vous même sur les screens. Vous vous réveillez, dans votre chambre, et vous sortez dans votre village, un village flottant, en 2D, en pixel art, peuplé de vos semblables. Alors vous grimpez tout en haut de ce village, et vous allez recevoir un étrange couvre chef, un FEZ, qui vous permettra de découvrir la mécanique centrale du jeu: La possibilité de faire pivoter le décor pour voyager sur un autre plan 2D. Une mécanique pas simple à expliquer, mais ultra intuitive et totalement diabolique.

Pour finir le jeu, il faudra collecter des cubes, que vous obtiendrez soit entiers, soit en fragments. Ces cubes vous permettront d’ouvrir des portes vous permettant d’accéder aux niveaux suivants, Il y a en tout 32 cubes, plus 32 anticubes, 9 cartes au trésors, ainsi que 4 artefacts, les anticubes étant beaucoup, beaucoup plus compliqués à trouver que les cubes normaux, mais je vais y revenir. FEZ est génial pour sa mécanique principale, totalement jouissive, mais aussi pour son exploitation. Les énigmes et la progression ne se résumerons au départ qu’au fait de pivoter pour rapprocher deux plateformes, mais on trouvera plus tard des tremplins vous forçant a calculer vos trajectoires et a changer de plan une fois en l’air, ou des plateformes faisant automatiquement changer les plans. FEZ est jouissif, le plaisir est immédiat, on se régale des trouvailles géniales de level design du jeu en permanence, à tel point que je finissait par refaire des niveaux justes par plaisir de faire pivoter ces îlots pixelisés. FEZ m’a fait redécouvrir un plaisir de jeu que je n’avais pas retrouvé dans un jeu de plateforme depuis Braid, et rien que pour ça, respect Mr Fish. D’autant plus que le jeu n’est jamais frustrant, car il ne vous demande, excepté sur un niveau, aucun skill en terme de plateforme, vous pourrez prendre votre temps comme bon vous semble, et c’est tant mieux, car les méninges vont chauffer.

FEZ est un jeu colossal, un univers immense. Lors de mes premiers pas, j’ai eu le vertige. Vous ouvrez une porte, qui vous emmène à un monde, qui contient une porte, qui vous emmène à un monde, qui contient 3 portes qui vous emmènent à des mondes et ainsi de suite. Alors au départ on tente de revenir sur ses pas, d’y aller doucement et on se rend vite compte que ça ne sert à rien, qu’il faut se laisser aller et que revenir ne sera pas un problème du tout. Vous découvrirez au fur et a mesure une carte gigantesque, vertigineuse, même si peu ergonomique en l’état, mais ce n’est pas très grave. L’univers est colossal, les énigmes aussi. Durant tout le jeu, vous croiserez des tétrominos, des monolithes, des schémas, des QR codes, des formes géométriques étranges, des chouettes, et vous comprendrez que c’est ici que se trouve le génie du jeu. Pour trouver les anticubes, et les secrets du jeu, il va falloir déchiffrer ces codes, comprendre ce que signifient ces symboles, et rien n’est plus gratifiant que cela. On prend une feuille, on note, on cherche (voir le test de FEZ en une image par Fache), on se prend la tête, et la satisfaction est immense quand on trouve, en même temps que l’admiration que l’on a pour Fish d’avoir crée des énigmes aussi diaboliques. Rien n’est anodin dans FEZ. Vous comprendrez que ce jeu est doté d’un système numérique et d’un alphabet, que les tétrominos sont indispensables a l’obtention des anticubes, que tout, absolument tout, est utile. Et c’est parfois désespérant de ramer aussi longtemps sur une énigme avant de trouver la solution. A l’heure ou je vous parle, je viens, après un nombre d’heures pas possibles a me prendre la tête, de comprendre le système numérique, mais je râme toujours sur l’alphabet, je n’ai que 9 anticubes, deux artefacts et je n’arrive pas à comprendre le fonctionnement de ces deux cartes aux trésors. Sauf que vous pouvez tout comprendre, car tout est indiqué, FEZ n’est pas un Monkey Island ou il faut être dans la tête de Gilbert pour comprendre l’énigme. Mes heures vont encore être longues sur cette pépite indépendante.

Ensuite, FEZ est un régal absolu pour les yeux et les oreilles. Les références sont nombreuses (la gameboy par exemple), même si je pense que je suis un peu passé à coté de ce point, ma naissance en 1995 ne me permettant pas d’avoir acquis nombre d’éléments culturels me permettant de comprendre les clins d’oeils disséminés dans le jeu. Mais à la limite, les références visuelles, ce n’est pas ça qui m’impressionne le plus. Ce qui est impressionnant, c’est le soin et le perfectionnisme fantastique apporté à cet univers. Les couleurs sont magnifiques, chaque bloc est différents, les mélanges coloriques sont parfaites, les îles aériennes et légères, les détails fourmillent, la précision apportée aux décors est absolument admirable. Je ne suis pas un défenseur inconditionnel du pixel art, je trouve qu’ils se résume souvent, sur la scène indépendante, à une solution de facilité prétextant un hommage à telle ou telle époque. Ici, FEZ à réussi à s’approprier le pixel art pour se créer son propre style visuel, comme l’avait fait un certain Sword and Sorcery par exemple. Et mine de rien, c’est fort. Parlons aussi de la musique, composée par Disasterpeace. Une des meilleures bandes sons de ces dernières années à mon sens, mélangeant très intelligemment rétro et planant, conférant une ambiance posée et apaisante, pour le plus grand bonheur de nos oreilles.

J’ai fini FEZ en me disant que j’avais joué au plus grand jeu de mon histoire vidéoludique. Une richesse, une mécanique, un gameplay jouissif, une ambiance, un visuel à tomber,  une musique génialissime, un stimuleur de neurones. J’ai aussi compris, après avoir vu Indie Game: The movie, pourquoi Phil Fish avait autant la rage. Ce mec est un passionné. Un passionné un peu égocentrique, certes, mais un passionné qui s’est lancé dans un projet « beaucoup trop ambitieux ». Il a consacré, avec Renaud Bédard, plus de 5 ans à bosser comme un fou pour sortir un des meilleurs jeux de tous les temps, avec un niveau de détail fantastique, et ce mec s’est fait insulter et traiter de voleur alors qu’il devait payer 40000 dollars pour un patch. On comprend en voyant ce film, pourquoi, comme le dit Fish, « Gamers are the worst fucking people ». Tout simplement car ils ne considèrent jamais que ce sont des hommes qui travaillent derrière. Alors Fish est peut être une grande gueule, mais c’est surtout un mec qui ose l’ouvrir pour dire des vérités trop souvent cachées.

Phil Fish, Renaud Bédard, Disasterpeace, respect éternel, vous avez crée quelque chose de grand, de très grand. Et pour FEZ II, prenez votre temps, je m’en fout. Mais si vous arrivez à recréer un chef d’oeuvre pareil, chapeau