Dazai Osamu est un véritable écrivain culte au Japon. Et ce n’est pas un euphémisme de le dire. Si Dazai est si célèbre, c’est d’ailleurs plus pour sa vie que pour son oeuvre, pour sa révolte contre une société rigide et conformiste. Et c’est cette révolte qui le place comme une des idoles de la jeunesse japonaise.

Je m’en vais vous conter l’histoire d’un grand homme de la littérature japonaise. Oui, comme ça, parce que j’ai envie.

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Dazai Osamu est un pseudonyme. Le vrai nom de l’écrivain, c’est Tsushima Shuji. Il est né le 19 juin 1909, dans la préfecture d’Aomori (tout au nord d’Honshu, l’île principale du japon). Il est le 8e enfant de la famille Tsushima, famille très influente politiquement, de par leur richesse. Il fut élevé par une nourrice, recueillit par sa tante, puis confié à une gouvernante. Le père de Dazai meurt en 1923, et c’est son frère ainé, Tsushima Bunji, qui devient le chef de famille.

Dazai publia sa première nouvelle en 1925 dans le magazine de son école, et fut admis au centre d’études supérieures de Hirosaki en 1927. La même année, Akutagawa Ryonosuke se suicida (je vous reparlerai de cet écrivain extraordinaire). Cet évènement marqua profondément Dazai, qui idolâtrait l’écrivain. Il se mit à négliger ses études, rechercha la compagnie des geishas, et fréquenta les restaurants de luxe. Il manifesta également un grand intérêt pour le marxisme, alors interdit au japon. La nuit du 10 décembre 1929, il absorba une dose très importante de calmotin, un fort soporifique, dans le but de se donner la mort, mais ne fit que sombrer dans l’inconscient jusqu’à la fin de l’après midi suivant.

En avril 1930, Dazai s’inscrivit au cours de littérature française de l’université de Tokyo, puis rencontre Ibuse Masuji, qui deviendra son mentor, ami, confident, et plus fidèle soutient durant le reste de son existence. Parallèlement, il se mit a contribuer financièrement aux activités illégales du parti communiste. La mort de son frère Keiji de la tuberculose en juin 1930 affecte profondément Dazai qui se mit, encore une fois, à ne plus suivre ses cours. Il rencontra également la geisha Oyama Hatsuyo. Cette dernière s’enfuira plus tard pour le rejoindre à Tokyo, dans le but de l’épouser.

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Bunji accepta ce choix, à la condition que Dazai coupe tous les liens avec sa famille, et donc toute responsabilité financière. Hatsuyo et Dazai se marièrent dans une station thermale en décembre 1930. Un mois avant, le 28 novembre, il fit sa seconde tentative de suicide, au coté de Tanabe Shimeko, toujours en prenant de fortes doses de calmotin. On les découvrit sur les rochers face au pacifique. Tanabe était morte. Toujours actif dans les activités du parti communiste, Dazai fut arrêté puis emprisonné en 1931. Bunji l’appris l’année suivante et lui coupa les vivres. Recherché par la police, il emménagea dans une maison abandonnée de Tokyo, et commença alors sérieusement son travail d’écriture. Sa première nouvelle sous le nom de Dazai Osamu, « Le train », fut publié en 1933.

Quasi toute son année 1933 fut consacrée à l’écriture du recueil « Dernières années ». Il passa le mois d’août 1934 dans la station balnéaire d’un autre immense écrivain japonais, Mishima. Il termina « Dernières années » en mars 1935, et décida alors d’acter sa troisième tentative de suicide, en tentant de se pendre dans les montagnes près de Kamakura, mais la corde rompit. Moins de trois semaines plus tard, il fut hospitalisé pour une appendicite aigüe, et resta à l’hôpital trois mois. C’est là qu’il fit la découverte du pabinal, un dérivé de la morphine.

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Cette « découverte » le transforme en véritable toxicomane, et il se mit à emprunter de l’argent à tout le monde pour s’acheter sa drogue. En juillet 1935, deux des nouvelles de Dazai furent nommées au prix Akutagawa (équivalent du prix Goncourt au Japon), qu’il n’obtient malheureusement pas. Un prix qui aurait pourtant pu l faire sortir de la vie de débauche dans laquelle il s’était engagé. Il fut tout de même présenté au poète Sato Haruo, qui accepta de devenir son nouveau mentor. En septembre, Kawabata Yasunari, jury, écrivit le compte rendu du prix Akutagawa, reprochant a Dazai les déboires de sa vie privée et les scandales qu’il avait crée. Ce dernier rentra dans une colère noire et une guerre par lettre interposées commença avec Kawabata. En février 1936, Sato ordonna à Dazai de suivre une cure de désintoxication. Il devait y passer une dizaine de jours, mais s’échappa pendant deux nuits pour boire et s’injecter du pabinal. Par conséquent, il ne guérit pas.

Dazai n’obtint jamais le prix Akutagawa. Mais les scandales crées et la bataille de mots qu’il livra avec Kawabata et quelques uns des écrivains les plus influents de l’époque lui permirent d’acquérir une véritable réputation auprès du public. Le 12 octobre 1936, Dazai fut interné dans un hopital psychiatrique a Itabashi. Il fut enfermé dans une chambre pendant une semaine, ne pouvant recevoir aucune visite. Il déchira ses habits, brisa les vitres, écrivit sur les murs, s’en prit aux médecins et aux infirmières. Il sortit le 12 novembre. A son retour à Tokyo, en mars 1937, il fit, avec Hatsuyo, sa 4e tentative de suicide, toujours au calmotin. Comme d’habitude, il survécu, à croire qu’il n’était pas fait pour le suicide. Le couple se sépara officiellement, et ne se revit plus jamais. Hatsuyo mourut en 1944, a trente trois ans. En septembre 1938, Dazai se retira dans les montagnes de Misaka, avec une vue extraordinaire sur le mont Fuji. Il passa 60 jours sans cesser d’écrire.

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Cette époque constitue une période de stabilité et de repos encore inconnue pour Dazai, durant laquelle il écrivit quelques unes de ses plus belles nouvelles, et se maria avec Ishihara Michiko, avant de retourner dans sa banlieue de Tokyo en septembre 1939. La première fille de Dazai, Sonoko, naquit en 1941, son fils, Masaki, en 1944. En mars 1945, la famille partit a Kofu, fuyant les bombardement sur Tokyo, puis pour Kanagi. Peu après, la bombe atomique fut lâchée sur Hiroshima, puis Nagasaki.

En janvier 1947, Dazai rencontra Ota Shizuko. Elle espérait devenir écrivain, et c’est son journal intime qui inspirera à Dazai le roman « Soleil Couchant ». Il rencontra également Yamazaki Tomie, une esthéticienne dont le mari était mort une dizaine de jours après leur mariage. La seconde fille de Dazai, Satoko, naquit le 30 mars 1947. Elle deviendra par la suite le grand écrivain Tsushima Yuko. Il eu également un enfant de Shizuko en novembre, qu’il fut forcé de reconnaitre.

« Soleil couchant » fut publié et devint immédiatement un best seller, permettant a Dazai d’acquérir une célébrité encore plus grande. Il publia ensuite « Narcissisme et cigarette » en mars 1948, acheva « La déchéance d’un homme » et laissa inachevé « Goodbye », son dernier roman.

Il se noya avec Tomie dans le canal de Tamagawa le 13 juin 1948.

On ne retrouva les corps que le 19 juin, le jour du 39e anniversaire de Dazai Osamu.

A lire:

  • Cent vues du mont Fuji
  • Soleil Couchant
  • La déchéance d’un homme
  • Mes dernières années