SotC

Ah Shadow of the Colossus, la douce prononciation de ce titre est devenu pour  vous source de migraine incessante à force d’intellectualisation masturbatoire. Et bien préparez le rail de doliprane et les suppos de Sumatriptan car ici on discute entre gens baths ! 

Pourquoi revenir sur ce jeu ressorti en version Hètche Dii ? Le créateur Fumito Ueda, tant décrié ces derniers jours voire années (The Last Guardian est une bien belle arlésienne) nous avait offert une fucking expérience, quoi, merde, pute, fuck ! Outre sa maniabilité et sa caméra désagréables, les jetages de manette et l’envie de steak chevalin n’étant qu’une phase passagère…l’aventure de l’imagination permise par l’univers et le concept simpliste marque. Sans déconner, SotC est un puit sans fond d’inspiration, rien de tel que revoir un affrontement colossal pour ressentir des sensations…pures ! Ici, nous sommes entre personne de bon goût et je vais simplement présenter comment j’ai ressenti ce jeu par son ambiance sonore.   

Par le peu d’indication à l’écran, il n’y a par exemple pas l’omniprésence d’une jauge de vie ou de carte pour se diriger dans ce dédale de désolation, le son permet cette ambiance de solitude et rapproche le joueur avec le héros joué. N’entendant que lui, ses quelques cris deviennent réconforts. L’aspect narratologique est développé par une relation étroite entre l’image et le son que je vais pointer. .

 

Premièrement, on peut noter que la musique n’apparaît qu’à certains moments, lors de scènes cinématiques, lors des combats contre les colosses ou encore pendant les phases héroïques, changeant du tout au tout le climat du jeu, plongeant le joueur en transe, le stress et l’adrénaline s’ajoutant. « On doit entendre la musique et non l’écouter » disait Van Parys, ici la musique, de par ses passages sporadiques, permet une indication majeure en plus de diriger les émotions véhiculées durant l’aventure et accentue l’aspect homérique du jeu. 

Je vais en grande partie analyser l’introduction du jeu pour ne pas gâcher le plaisir aux non-initiés. La musique donne d’emblé un ton mélancolique à l’aventure, appuyant une ambiance religieuse solennelle. On voit un aigle volé, quelques notes jouées au bouzouki irlandais, suivi d’un chœur et d’un orgue puis enfin l’orchestre arrive. Un jeune cavalier chevauche dans une forêt, sur la selle, un corps dans un drap mortuaire. Qui est-ce ? Il se met à pleuvoir, le héros est en deuil et le monde qui l’entoure également. Nous n’observons qu’avec effroi son voyage, long, pénible et rigoureux, passant par différentes contrées. L’ambiance monte crescendo, le son se fait plus clair, il a atteint son but : l’ancienne terre, et le vent souffle…

Le joueur peut alors démarrer sa partie, enfin ! Enfin…après un autre long incipit d’une dizaine de minutes…

Un bruit puissant presque divin jaillit sur un fond noir qui nous fait ressentir une transition, un passage vers un autre monde, un fondu apparaît laissant place à un cavalier sur une passerelle gigantesque, le vent soufflant et des rafales se faisant pour seul son (Image 1). Les sabots retentissent sur la pierre de taille alors que quelques rapaces crient quand soudain la porte vrombissante s’entonne annulant tout autre bruit. Plus de retour en arrière possible (Image 2) ! Le cheval a peur, cabre, hennit, fait signifier la dangerosité de l’endroit, car en effet notre seul compagnon a le feeling (that tonight…), nous prévient du danger mais le but du héros est plus fort. Tel Orphée, il descend aux Enfers ou plutôt au Sanctuaire, sauver sa tendre et chère au coût d’un pacte avec le dieu Normin (anagramme de Nimrod, personnage biblique qui érigea la Tour de Babel provocant les foudres du Dieu). Le héros s’approche de l’autel, une musique symphonique l’accompagne, appuyant le tragique de la situation avec des coupures, des changements de hauteur.  


 

 

 

                 Image 1 – Pont transitionnel                                                               Image 2 – Descente infernale

Un masque chamanique entouré de fumée nous conte dans une langue cheulou et de golmon les mythes liés à cette terre défendue au son d’une musique rappelant les amérindiens autour d’un feu crépitant. Un mysticisme certain émane de cette scène. 

Un bruit de déluge et d’orage se mêlent alors à une musique oppressante, un rayon lumineux s’accroît. Il représente le dieu Normin, sa voix est presque inaudible due à un écho et une superposition de plusieurs voix aux tons variés et effets machiavéliques, et ce, toujours dans une langue inconnue. Une musique divine avec des chants de chœur suit ses paroles, un climat sombre et sévère se fait éprouver. L’ambiance sonore est diamétralement opposée à quand le jeune aventurier parle, ici tout est calme, seules ses paroles un peu approximatives, sa voix tremblotante, bégayante contrastent avec ce calme. Le héros lui ne l’est pas, il a peur, il est désemparé, se confrontant à un dieu, mais cette terre, elle, est calme, vide, morte. La musique monte en tension, le dieu lui propose un échange contre l’âme de son être aimé : tuer les idoles de ce sanctuaire présentes sous la forme de terrible titan dans ces terres inconnues. Le prix pour ressusciter sa belle sera lourd comme lui annonce le dieu, mais le vaillant n’a plus peur, lui répond même de manière affirmée, il n’y a plus de coupure musicale entre les deux protagonistes, l’orgue jouant de plus en plus fort, la caméra zoomant sur le cavalier. Le courage du jeune héros est en exergue mais on ressent que le dénouement sera tragique pour ce dernier. 

Dorénavant commence l’aventure pour le joueur après cette introduction contemplative. Il contrôle le guerrier dans ce désert de solitude, aucune vie n’est présente, seul le souffle terrible du vent accompagne la chevauchée, car le guerrier a besoin de son fidèle destrier pour parcourir ces pleines immenses aux couleurs désaturées. D’ailleurs une commande est allouée pour l’appeler, le siffler reflétant une synergie avec son compagnon. 

Aucune musique, seuls ne retentissent que le galop du cheval et le souffle du héros au rythme du vent, le joueur ne peut être que perdu, déboussolé. Un réel sentiment de désolation règne et le vide musical, ce silence assourdissant, le marque à merveille. Quand soudain on s’approche d’un endroit clé, guidé par notre épée sacrée pointant d’un faisceau lumineux l’endroit au son strident, une musique se joue par intermittence et fait monter le suspense accentué par des percussions.

Le râle du colosse résonne, ses gestes sont lents, lourds, les bruits sont terribles, la terre gronde, tout est fait pour rendre ce duel épique : la musique symphonique, la fougue des cuivres et des percussions rend la fureur de la bête omniprésente, les cris de l’animal mélangés à ceux du guerrier. Le joueur ne peut avoir que la pression et la rage face à ce monstre, comme le ressentirait le héros. Au fur et à mesure que l’on grimpe sur ce géant de pierre, d’acier et d’herbe, lui plantant l’épée à des points stratégiques, la musique s’intensifie de même que les cris du titan, montrant que sa fin est proche. Quand cette dernière subvient, une musique religieuse suit le dernier souffle du colosse, s’écrasant sur le sol faisant d’énorme impact montrant la lourdeur de celui-ci. Pas le temps de se recueillir, le héros peut alors s’attaquer aux prochains, une musique majestueuse remplace les chœurs religieux jusqu’à ce qu’une ombre s’échappe du colosse et vient transpercer le héros dans un bruit tonitruant, désemparant le joueur et assommant le jouet. 

Il se réveille dans le sanctuaire, près de sa promise, et qui dit sanctuaire dit ambiance sacrée avec chant mystique rappelant le deuil. 

Nous voyons donc l’utilisation de la musique évolutive qui transforme les combats contre les colosses réellement épiques, avec une tension dramatique. Elle permet aussi d’indiquer les moments ou les endroits clés, où se trouvent les colosses. L’immensité des lieux est également accentuée par le silence oppressant transformant ce monde en huis clos, le souffle du vent omniprésent jouant et les bruits du garçon et de son cheval installent une relation intime avec le joueur. Ce dernier pourra déambuler dans les pleines s’extasiant de cette euphorie apathique. 

En avançant dans le jeu, en tuant ces féroces, le son de leur mort devient de plus en plus dur à entendre, de plus en plus pesant. Le joueur commence à être pris de regret, mais le guerrier n’a qu’une obsession, retrouver sa bien-aimée à tout prix, il fait preuve d’un égoïsme sans limite justifié par sa passion amoureuse en tuant ces bêtes qui ne lui ont rien fait, qui ne peuvent que se défendre.  Alors que ce dernier devient de plus en plus corrompu par les ombres qu’il absorbe (Image 3), il devient limpide que le dieu Normin se joue de lui et comme on l’a dit précédemment, une fin heureuse n’est possible. 

Un doux lyrisme mélancolique se dégage de la musique de fin, où la fidèle monture vient retrouver la promise enfin réveillée au son des cloches. Finalement la passerelle est détruite, les voici bloqués dans ces terres défendues. Mais un bruit de bébé jaillit et fait taire le silence, c’est une lueur d’espoir, une rédemption. Le chant des oiseaux, le son d’une source d’eau, une musique douce au piano (ça rime hey ho !) marquent la vie recréée dans ce nouvel Eden, vert et plein de vie.

Image 3 – Le héros souillé de ses péchés

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